Jean-Marie Cartereau, mon histoire naturelle

Écriture de la plaquette de l’exposition Jean-Marie Cartereau: Mon histoire naturelle, 1980-2013

  • Voila un monde bien étrange que celui de Jean-Marie Cartereau. ll y a des boîtes et des coffrets, des sortes de bonheur du jour remplis de tiroirs et secrets, des formes informes à l’intérieur desquelles s’écartent des paysages aux allures d’insecte, des volumes anarchiques et des à plat aux couleurs pastels, des pigments et des feuilles, des squelettes de coléoptères, des odeurs de forêts et de pêche mélangées, des débordements ordonnés et de simples labyrinthes, des mondes entremêlés comme des chemins de pierre. où l’artiste nous perd pour mieux nous retrouver.

  • Expo-cartereau-accompagnement peintre marie kern

C’est une invitation à la découverte, une promenade au milieu de racines auxquelles s’accrochent des mouvements esquissés dans une anarchique débâcle à la fois minérale, végétale, animale entre laquelle parait un limon matriciel fait de poudre matiflée ou de fusain léger. On a peine a comprendre ce qui se trame vraiment derrière ces élancements torturés dans des cadres rigides. On se dit qu’il y a sans doute un mystère, une clef magique qui ouvre la porte de cet univers, un moyen de pousser ces branches organiques où s’abîment des objets sortis d’une terre fondue aux pastels grasses de ces mangroves fertiles. On espère y rentrer, se tailler un chemin pour parcourir ces mondes imaginaires grouillant de vie et de désordre. On est attiré et comme repoussé, cela inspire confiance et méfiance, bonheur et malaise, quelque chose d’inquiétant qui pourrait se traduire par une curiosité viscérale à entendre notre propre organisme mêlé aux tumultes et remous du grand organisme du monde. Un chant de la terre peut-être à moins que ce ne soit un dodécaphonisme végétal dont on ne peut saisir l’enjeu véritable. Et c’est tant mieux d’ailleurs, parce que l’impénétrable, le flou, est bien plus séduisant que le concret tangible. On le pense généralement des femmes et cette peinture a quelque chose de féminin dans cette façon de se dérober tout en se donnant ou tout au moins en paraissant le faire. Ces gestes, cette mouvance correspondent à la terre qui est femme et mère. On les retrouve dans la peinture de Jean-Marie Cartereau, dans cette façon de tordre les racines, les branches et les feuilles, les bourgeons, les corps et les quelques humains qui passent les portes de l’imaginaire pour s’en aller dans des bouches d’ombre ouvertes sur le grand vide des poètes, autant dire des artistes qui peignent avec l’Amazonie bleue de leurs cœurs et de leurs désespoirs. On arrache quelques bouts de soi au bout de cette peinture mise debout devant soi. On y laisse quelques morceaux d’être qui viennent enrichir le terreau d’un tableau qui n’en est pas un et pour cause, le fond est monde et toujours irréel, de celui qui se trouve dans l’inconscient tonal, la touche à part entière de chacun des artistes. On apprend à aimer ces grands coléoptères qui sont autant de personnages poussés sur des pages vierges de tout décor et de tout artifice. On attend de l’artiste qu’il continue à planter ces instants d’étrangeté qui font la lueur grave d’un monde si tourmenté.

Marie Kern