Mutinerie à bord
« Attachons un boulet à chacun de ses pieds et jetons-le dans la mer… ». C’était, dans La Duchesse de Langeais d’Honoré de Balzac, la recommandation du marquis de Ronquerolles à son complice Montriveau, pour se débarrasser d’un allié devenu encombrant.
La formule nous a semblé être reprise, plus policée mais tout aussi meurtrière, par un politologue agréé de la « gauche » dans une longue interview parue dans Le Monde, après la parution du livre de confidences « Un Président ne devrait pas dire ça… », sous l’intitulé discret mais ravageur : « La candidature même de François Hollande est en question »,
Or, il semblerait, qu’en la matière, ce soit plutôt l’overdose dans le marigot; d’autres commentaires sont beaucoup plus cruels : « attentat suicide au pédalo piégé », ou, du même tabac, « boomerang mortel ». Mais revenons à ce politologue qui ne vous est sûrement pas inconnu. Vous avez coutume de le voir, invité fréquent des plateaux télévisés, l’air grave et toujours empli de componction lorsqu’y est question de la douloureuse chose solférinienne…
Si son propos se vérifiait, il annoncerait une situation inédite sous la Vème République : un Président de la République pourrait être à la fois sortant et sorti, et ceci dès le premier tour !
Comment en sommes-nous arrivés là ?
Comment François Hollande s’est-il retrouvé dans cette situation, après la brève lune de miel de mai 2012 qui n’aura duré que le temps que durent les roses ?
Il n’était pas simple d’expliquer aux Français qu’il fallait faciliter les licenciements pour accroître l’emploi, geler les salaires pour relancer l’économie, dénaturaliser ceux qui n’étaient pas vraiment Français, augmenter les impôts pour renflouer les caisses patronales, etc.
Après avoir perdu le soutien de l’opinion, le Président serait en train de perdre celui de l’appareil de son propre parti. Un proche aurait même lâché qu’à force de se tirer des balles dans le pied, il allait manquer de balles et de pieds ! La formule est blessante.
Comme tout appareil, le Solférino, déjà ratiboisé humainement et financièrement par cinq déroutes électorales consécutives (élections municipales, départementales, européennes et sénatoriales, puis encore régionales), doit maintenant songer à sa survie. Vous savez que les quelque 100 000 adhérents revendiqués ne représentent plus majoritairement que le monde des petits élus, de leurs collaborateurs et de leurs familles. Un plan social massif est en vue en 2017 pour tous ces braves gens, véritables grognards des guerres solfériniennes. La chute de l’Empire avait transformé les grognards de Napoléon en demi-soldes. Les grognards de Solférino ne veulent pas connaître ce sort.
Pour mémoire, le demi-solde était un officier du Premier Empire, mis en non-activité à la Restauration. Sa solde était alors réduite de moitié. Menant une vie souvent misérable, sa carrière brisée en pleine jeunesse, le demi-solde symbolise en littérature le mécontentement et la frustration.
Alors qui pourrait suppléer François Hollande ?
« Je ne veux plus avoir affaire à ce naze », dira l’un de ses proches. « Pour ma part et c’est définitif, ajoutera un autre, je ne vois que Manuel Valls apte à le remplacer à la candidature pour soutenir et défendre le « Socialisme de Gouvernement », ce gouvernement sans socialisme. L’hypothèse Emmanuel Macron séduit certains mais elle paraît plus fragile, bien qu’elle ait l’immense avantage de se prêter au lancement de passerelles avec la droite libérale.
De tels propos, ne risquent-ils pas de déstabiliser la boutique.
De faire fuir les derniers électeurs ?
Eh bien, tant pis ! Ça passe ou ça casse !
L’avenir de ce qui restera de Solférino, après son naufrage ou son crash, se trouverait-il, le regard tourné vers L’Amérique, dans une sorte de recomposition « asinière » de type Démocrate avec la fraction libérale de la droite ?
« Tout à fait. Et personnellement, j’y suis favorable », entend-on dire. Car il n’est plus possible aujourd’hui d’organiser un compromis entre le Capital et le Travail. Ce fut le rôle, pendant plus de 50 ans de la Social-démocratie. Cette période est révolue. Aujourd’hui, il faut aménager le monde du Travail en fonction des intérêts du Capital, en particulier de ceux de la Finance. Voilà la feuille de route social-libérale. Manuel Valls est l’homme de ce projet.
Quant à l’avenir propre à François Hollande lui-même, son aptitude à rebondir est bien connue et les sollicitations ne vont pas manquer. Conseiller pour les Affaires France chez Goldman Sachs ? C’est à voir. Plus conviviale, plus friendly, serait la direction de la division Cartoons à la Metro Goldwyn Mayer ; ou, carrément, avec tous les risques titanesques que cela comporte pour les passagers, un nouveau commandement dans la marine marchande !
André BAUDIN.