Les illusions perdues de la démocratie
« Je voudrais adresser le message suivant aux Européens et aux Occidentaux. J’admirais beaucoup votre sens de la démocratie et votre respect des droits de l’homme.
Quelle ne fut pas alors ma surprise lorsque j’ai vu votre réaction face aux exactions commises au Nigéria : des villages entiers brûlés, des gens littéralement calcinés, et aucune réaction. Des villages entiers en Irak, les Yésidis, des Chrétiens, sont détruits. Des personnes se font égorger comme nos martyrs en Libye et en Ethiopie et aucune réaction, rien… et quand survient l’incident du journal français alors ce sont tout à coup des millions d’Européens, leurs chefs d’Etat à leur tête, qui condamnent et s’indignent comme si le sang français était important, il l’est, et que celui des autres peuples ne l’était pas.
Je suis désolé, vous n’avez plus aucune once de crédibilité. Ne vous avisez plus de me parler de démocratie et de donner des leçons sur les droits de l’homme. »[1]
Ce message, adressé par un évêque copte égyptien à la communauté occidentale résume à lui seul, et magnifiquement bien, l’illusion démocratique dans laquelle nous vivons.
Selon la définition du dictionnaire Larousse la démocratie est un régime politique dans lequel le peuple exerce sa souveraineté lui-même, démocratie directe, ou par l’intermédiaire de représentants interposés, démocratie représentative. Dans la plupart des pays occidentaux il s’agit d’une démocratie représentative qui ne représente plus rien d’autre que les stratégies financières écrasant le monde écologique, social et bien sûr humain.
Cet évêque copte le dit, il croyait en nos démocraties et quelle honte n’est-ce pas d’entendre qu’elles n’ont à ses yeux plus aucune crédibilité. Quelle honte d’entendre le récit de tous ces massacres parce que nous sommes les otages de nos représentants et que nous devons entendre ces malheurs sans pouvoir broncher, sans pouvoir élever nos voix et dire que nous ne sommes pas coupables de ces exactions.
Nous avons élus des représentants qui nous ont trahis d’abord par le récit d’informations erronées, et puis par le travail d’un personnel chargé d’infiltrer des idées dans la tête d’une foule qui n’a à présent plus aucun esprit critique. C’est un rapt éducatif et culturel. C’est un assassinat intellectuel et qui veut élever sa voix est mis très rapidement hors d’état de nuire, je sais ce dont je parle, l’éducation nationale dont je faisais partie m’a sommée de rentrer dans le moule ou bien de dégager, j’ai dégagé ; quant à mon écriture, elle est enterrée vivante depuis bien longtemps par ce même système qui refuse d’entendre la vérité.
Autre manigance, autre dictature, le 49-3, pour la quatrième fois notre premier ministre va y recourir. C’est un affront supplémentaire, un point final à la démocratie. Et ce malgré des millions de voix élevées contre une loi du travail honteuse qui réduit le travailleur à un simple objet manipulé par un patron toujours plus soutenu. Et nous sommes dans un état socialiste ! enfin soit-disant… et la pauvre El Khomeri, qui n’y connaît finalement pas grand chose, doit prêter son nom à cette loi du non sens. Que ne faut-il pas accepter pour être ministre ??
Et puis il y a tous ces gens chargés de rendre nécessaire des produits inutiles, tous ces délires de consommation et ce massacre écologique devant lequel, là aussi, les voix s’élèvent et nous ne pouvons rien faire, le TAFTA tente d’entériner la dominance américaine sur l’ensemble du monde. Où est la démocratie ?
Pour revenir aux propos de l’évêque copte, revoyons nos tablettes concernant les génocides. Je déplore bien évidemment les évènements de la seconde guerre mondiale. Nul ne pourrait approuver tant d’horreurs et d’absurdités. Mais pourquoi ne pas citer toutes les autres communautés qui ont connu des génocides atroces, les Indiens d’Amérique, 80 à 100 millions de victimes ; les Arméniens, près de 1, 9 millions de victimes ; le Rwanda, les Aborigènes, les Cambodgiens… et toutes ces petites communautés comme les Yézidis cités par l’évêque copte.
L’an passé, alors que le monde entier avait les yeux rivés vers la France suite aux attaques contre le journal Charlie, Le Nigeria connaissait des attentats sans précédent, peut-être 2000 victimes et qui est Nigeria ? Nous sommes tous Charlie comme si le sang français et surtout parisien avait plus de valeur que celui du reste du monde. Mais personne n’est Nigéria car, finalement, il faut bien le dire, Paris s’en fout du Nigeria, c’est loin et c’est pas rentable, c’est un pays pauvre, ce n’est pas intéressant. Pourtant nous avons le même combat.
Et ce ne sont pas ceux de Charlie qui me contradiront, Charlie dont j’ai pleuré avec les autres la disparition sauvage, mais il faut remettre les choses à leur juste place. Pour un regard venant de l’Orient, c’est très blessant de voir combien l’importance de la vie dépend de son lieu de résidence et surtout de sa valeur marchande.
Et je ne parle pas des milliards d’animaux massacrés à chaque seconde, comme si l’humain avait acquis le droit de vie et de mort sur l’ensemble de la planète terre. Est-ce que cela correspond à la définition de la démocratie c’est à dire est-ce que tout cela correspond aux désirs de citoyens (les plus conscients) déséspérés par tant d’ignominies commises en leur nom? N’est-ce pas même un affront sans pareil au regard de l’Histoire. Tous ces humains morts au cours des précédentes guerres pour nous donner la liberté, leur vie avait-elle moins de prix que la nôtre que « nous » puissions ainsi brader leur sacrifice?
A l’évêque copte je présente mes excuses.
A l’ensemble du monde et de la planète, je demande pardon.
J’habite un pays « démocratique » qui n’est plus qu’une vulgaire mise en scène de la liberté. Depuis des années le système en place abuse une foule – que je distingue d’un peuple éduqué – qui confond à présent sexe, violence et liberté.
Quand j’entends un discours comme celui de l’évêque copte, j’ai honte pour nos pantins désarticulés par Wall Street et le Medef réunis. J’ai honte et je suis en colère. Mais nul n’est prophète en son pays et c’est bien la vérité. Mon discours ne changera ni le cours des choses ni celui de la « démocratie », hélas!
Marie Kern, le 19 mai 2016
[1] In La fin des Chrétiens d’Orient ARTE 17 mai 2016
Une appréciation de la démocratie qui réveille les neurones !
Amicalement,
Pierre Maechler.