La finance internationale expliquée aux pigeons

La finance internationale expliquée aux pigeons

Etienne Chouard

Etienne Chouard

Mon attirance pour les volatiles me pousse à destiner ce texte aux pigeons, oiseau connu pour sa bonne foi, son caractère aimable, sa solidarité extrême ! sa dévotion parfaite voire obsessionnelle, sa totale soumission à l’autorité, à la popularité (si si les pigeons ont leur People tout comme nous !) à la désespérance aussi parfois… c’est le disciple idéal en somme pour une leçon sur la finance internationale c’est à dire comment une poignée d’hommes a su établir un empire quasi inébranlable ; les pigeons dans leur crédulité merveilleuse en resteront cois d’admiration à moins qu’un sursaut d’orgueil ne les pousse à mitrailler de leurs déjections puissantes les façades d’une richesse aussi immorale qu’infondée.

Commençons donc par le commencement. Nous sommes en 1973, sous Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing est ministre des finances et de l’économie. La Loi française va changer radicalement au profit des spéculateurs, nous allons voir de quelle manière.

Nous sommes dans l’ère de la mondialisation certes mais partons de France pour entendre comment le mouvement va se généraliser en Europe. N’oubliez pas que le battement d’ailes d’un pigeon peut modifier le cours du temps, celui de l’euro, celui du dollar, tout est absolument imbriqué presque cimenté.

Revenons donc en 73, le président et son ministre décident que l’Etat ne pourra plus emprunter à la banque centrale, il devra désormais emprunter aux gros investisseurs, contre intérêt !  Ce n’est pas très équitable mais cela peut se gérer à ceci prêt que c’est à cette époque que les budgets ont commencé à être votés en parfait déséquilibre c’est à dire que le gouvernement a commencé à s’endetter au profit des spéculateurs qui eux mêmes finançaient leurs campagnes électorales.  C’est un système qui se met en place, une sorte d’Ouroboros, un serpent qui se mord la queue, et quelle queue ! celle de la finance internationale ! celle du paradis des dollars, celle de la manipulation boursière en somme, cette pieuvre qui tient à l’heure actuelle toute l’Europe sous sa coupe et voudrait tenir le monde entier.

S’ensuit Maastricht et puis Lisbonne, le fameux traité de Lisbonne signé en 2007, avec cet article 123 stipulant l’interdiction à toute l’Europe d’emprunter aux banques centrales et obligeant l’emprunt aux ultras riches, toujours contre intérêt, accentuant encore le déséquilibre entre un petit groupe d’hommes ultras puissants et un énorme groupe de « consommateurs » qui n’ont plus vocation que de payer les dettes et les intérêts de gouvernements à la botte des spéculateurs. Tout ceci sous le sacro saint égide de Wall Street et de la City de Londres, places financières déterminant la vie économique et politique de la moitié du monde. Et bien sûr sans la moindre réglementation qui soit c’est à dire, comme le dit Myret Zaki, journaliste économique, c’est le Far West complet !

Pour résumer la finance internationale actuelle est un jeu entre une poignée de spéculateurs qui gagnent de l’ordre du milliard et demi de dollars par an, qui ne cessent de parier sur les crises qu’ils génèrent, d’acheter la dette des pays qu’ils font s’effondrer volontairement (c’est le cas de la Grèce) et une Europe affaiblie parce qu’elle s’est elle-même vendue aux marchés américains, parce que ses gouvernements l’ont vendue et qu’au point où elle s’est endettée dans des temps records ! elle ne parvient plus à s’en sortir.

En face il y a l’Asie et les pays émergents (les BRICS), ceux-ci sont seuls capables de rétablir l’équilibre d’une balance financière mondiale complètement déséquilibrée.

Parlons donc de la Constitution (Etienne Chouard en parle mieux que moi, vous vous réfèrerez à ce professeur si vous souhaitez en savoir plus), eh bien elle est écrite par les politiques, ce texte qui devrait être une limite au pouvoir, un ordre absolu, une justice véritable, ce texte est écrit par ceux qui font les spéculateurs toujours plus riches et les consommateurs, car de citoyens il n’y en a plus, toujours plus pauvres. On peut donc lui faire dire n’importe quoi, c’est ce qui s’est passé et c’est ce qui a enrichi le monde boursier américain.

Pourquoi n’y a-t-il plus de citoyens me direz-vous volatiles intelligents et perspicaces? Parce qu’un citoyen c’est un être qui participe à la vie politique de son pays or il n’est plus question de cela. Le peuple étant abêti au dernier degré, privé d’éducation (et le système éducatif m’objecterez-vous ? Il suit le cours de la Bourse, en chute libre !), privé de compréhension par rapport à la vie politique et même d’action puisque le Sénat vote pour lui – nous parlons de la France dans le cas présent- ce peuple ne vaut que par ce qu’il consomme, il n’est donc plus qu’un consommateur, un mouton de Panurge, vous comprenez cela pigeons, suivre vous savez ce que cela veut dire, encore qu’il est certain que votre esprit critique soit nettement supérieur à celui des consommateurs actuels, suivre oui mais il y a des limites, on suit sans limite ici, c’est bien là le problème.

Enfin un dernier point. Il faut savoir que toutes les industries se serrent les coudes pour faire vivre ce système dont elles sont dépendantes. Les spéculateurs américains font la pluie et le beau temps jusqu’à la présidence des USA donc pensez bien qu’ils fonctionnent évidemment avec les marchés lourds et puissants des industries, c’est ce que l’on appelle la financiarisation de l’économie.

Pour avoir plus de poids ces industries ont créée un monstre, une organisation sensée nous protéger, contrôler notre santé, cette organisation se nomme l’ISLI International Life Sciences Institute. Elle rassemble toutes les plus grandes industries dans tous le secteurs possibles afin d’avoir un pouvoir absolu sur le marché. On y retrouve Monsanto, Danone, Coca cola, Nestlé, Bayer (pharmacie), Basf et j’en passe. C’est à dire que sous couvert de (fausses) vérités scientifiques, c’est Wall Street et la City qui continue de manipuler le marché du monde entier.

C’est ce que l’on appelle Démocratie ou comment des idiots finissent par devenir de véritables pigeons plumés jusqu’au trognon (amis volatiles ne vous vexez pas, c’est une métaphore confortable pour les humains mais peu vérifiée en réalité, vous autres pigeons n’étant plumé que par les chats et encore, éventuellement) pendant que ces milliardaires « au grand cœur » se dorent au soleil des Caraïbes ou de la Riviera!

J’ai entendu dire que certains lancent régulièrement quelques grains aux pigeons mais ceux ne sont pas les plus fréquents. Les grains coûtant cher, ils préfèrent les confier à Monsanto pour en faire des arbres à dollars résistants à tout pesticide ou autre usage de la contre-pensée.

Pour terminer cette brève leçon je citerai Huxley :

« (…) nous sommes aujourd’hui entrés dans la plus parfaite des dictatures, une dictature qui aurait les apparences de la démocratie, une prison sans murs dont les prisonniers ne songeraient pas à s’évader. Un système d’esclavage où, grâce à la consommation et au divertissement, les esclaves auraient l’amour de leur servitude. »

Je crois que l’homme de Lettres a ainsi résumé parfaitement la situation dans laquelle nous nous trouvons, une situation qui fera certainement bien rire les pigeons libres de leurs faits et gestes, libres de leur vie, des pigeons auxquels je demande un peu de compassion quand désormais ils regarderont les humains, eux tout en haut, nous tout en bas…

Marie Kern, 15 août 2015

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Marie Kern

Marie Kern - Blogueuse, auteur, accompagnement littéraire d'artistes (peintres ...), rédactrice web (article, contenu rédactionnel, ré-écriture de pages web).

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