La déprime française actuelle est-elle l’avant-garde d’une nouvelle modernité?

La déprime française actuelle est-elle l’avant-garde d’une nouvelle modernité ?

Solitude par Marc Chagall

Solitude par Marc Chagall

A l’heure où l’on ne cesse de crier sur tous les toits de France et de Navarre que la déprime contamine le société occidentale actuelle, sans doute faut-il se poser la question du fondement de cette déprime et de sa réalité ou pas.
Tout d’abord qu’est-ce que cela veut dire une société déprimée ? Dans le cas présent, on parle de groupe et non de personnes qui souffrent de dépression de manière individuelle et indépendamment d’un contexte. Cette société ou bien plutôt cette foule puisque de peuple il n’y en a plus que le souvenir depuis que l’inculture et le défaitisme politique ont remplacé l’ancienne dynamique éducative d’après guerre, se tourne vers la dépression parce qu’elle n’est pas heureuse de son sort politique, le sens du mot politique renvoyant ici à celui de Politeia c’est à dire qui relève de la constitution et concerne la structure et le fonctionnement d’une société.
Il est important d’accorder aux mots toutes leurs valeurs, surtout dans le cas de notion polysémiques le plus souvent vilipendées par la négligence et la paresse langagière.
Pour revenir à la dépression sociale, c’est un concept nouveau, le fait d’une société arrivée à terme de la réalisation de ses désirs, de son confort, et qui ne sait plus ce que vivre veut dire, qui détruit plus qu’elle ne construit, qui n’invente plus un bonheur possible, un mieux être espéré, mais imagine le moyen de retrouver la sensation de survie face à la mort qu’elle met en scène de toutes les manières possibles (film, jeux vidéo, ultra réalisme des journaux télévisés) et dont elle fait l’apologie sans se rendre compte de sa palpabilité, de son caractère tangible dans cet univers où l’extrême technologie prive l’humain de sa propre conscience face à l’insoutenable légèreté de l’être comme le nomme si joliment Milan Kundera.
A cette notion essentielle s’ajoutent d’autres paramètres éprouvant la bonne humeur sociale : l’explosion de la démographie et les risques de surpopulation et de désastre écologique, les flux migratoires chavirant la donne ethnique, religieuse et même économique, ou encore les problèmes financiers que les classes moyennes et populaires connaissent et qui sont une réalité.
Outre le chômage qui fait ses ravages, on veut tout tout de suite et cet appétit de la possession déclenche une frénésie financière incontrôlée, l’endettement et l’asservissement à un système social qui tourne en boucle sans qu’aucune décision ne soit prise en faveur d’une économie de la décroissance et de la modération, une économie de la justesse sociale et du respect environnemental, un sursaut d’intelligence face à cette espèce de débilité mentale et opportuniste qui affecte nos gouvernements successifs lassant un électorat qui sombre, et nous y revenons, dans le scepticisme et la déprime la plus totale par manque de respect du contrat social établit entre un gouvernement élu de manière démocratique et une foule qui ne sait plus si la politique a un sens ou si elle n’est qu’une fleur à la boutonnière de quelques individus parfaitement intrigants et plus ou moins mafieux – ce que l’on reproche tant à Vladimir Poutine -, il n’y a qu’à voir la somme d’affaires judiciaires dont les membres du gouvernement ou ex font l’objet pour n’en pas douter. Mais c’est l’hôpital qui se moque de la charité ! Si tant est que l’on puisse qualifier de charité le régime d’un homme, Poutine, qui tient les rennes de son pays alors que nos bellâtres n’en sont qu’au marche pied.

Face à cette réalité « dépressionnaire » se pose le concept de modernité pour emprunter une idée cher à Jacques Attali. Qu’est-ce que l’homme moderne aujourd’hui ? Sans aucun doute est-ce l’homme qui sait utiliser la technologie moderne, qui se situe à l’avant-garde de toutes nouvelles découvertes. Plus généralement l’homme moderne est celui qui croit en l’occidentalisation du monde et même de l’univers puisque la conquête de l’espace est ouverte aux plus fantastiques investigations soutenues par des budgets colossaux dans le seul but de croire et de faire croire que l’humain est capable de tout y compris de dresser l’univers à sa botte afin qu’il puisse assouvir ses propres nécessités, qu’elles soient alimentaires, spatiales ou encore énergétiques.
La modernité actuelle c’est de croire que Prométhée est un mythe et non une réalité, que voler le savoir divin est possible et qu’administrer l’univers est parfaitement concevable.
La possibilité d’offrir un remède à la dépression actuelle avec ce genre de croyance est un leurre, une contre-vérité tout simplement parce qu’elle est fondée sur un abus de pouvoir et une confusion énorme voir incommensurable dans un esprit social non éduqué, non cultivé, qui prend pour argent comptant ce que l’information télévisuelle veut bien lui dire tout en sachant, en ressentant, l’incohérence de ce discours célébrant le mensonge et l’incapacité des classes dirigeantes affiliés aux lobbies et aux grands boss du marketing à résoudre ce problème de base qui est tout simplement redonner un sens et une dignité à l’existence.
On me dira, mais quel membre du gouvernement parle de modernité ? Bien sûr les politiques ne sont pas des penseurs, loin de là, mais leurs actions devraient constituer un socle d’intentions capables de solidariser les esprits autour d’idées et d’objectifs novateurs or aucun ne prend parti pour un discours raisonnable et un engagement conséquent envers ceux qui les ont élu, le silence étant le meilleur des alliés, ne pas énoncer les vérités à ce qui reste de peuple relève de la complicité perverse.
Et certainement qu’il y a complicité avec cette volonté de modernité occidentale et technologique , la preuve s’il en fallait, le traité transatlantique ou l’économie européenne revue par les Etats-Unis, l’emprise des multinationales sur le monde agricole, l’asservissement du monde paysan au CGIAR (centres de recherche appartenant au consortium de Groupe consultatif pour la recherche internationale) et j’en passe, la France comme l’Europe étant aux pieds de la plus grande valeur marchande qui soit : l’Occident tel que le conçoivent les Etats-Unis c’est à dire le comble de la modernité actuelle !

Comment dans ce cas aborder une nouvelle modernité et quelle serait-elle puisque tous les signes sont là pour la définir et l’accueillir ?
Dans un premier temps il faut quand même remarquer que l’état des lieux sociologiques, éducatifs, culturels voir religieux ne semble pas vraiment favorable à la naissance d’une nouvelle modernité c’est à dire d’un élan idéologique capable de changer la donne actuelle. Même si déprime il y a, même si désir de changement il y a, la société française semble effondrée sur elle-même comme une étoile trop vieille pour briller encore. Alain Bentolila parlerait de massification, de parodie démocratique c’est à dire d’une part d’une « nivellation » sur le bas et soutenue par cette idéologie de l’absolu technologique (on fait rêver l’idiot pour l’asservir par les crédits et les désirs sans fin), d’autre part on enfume le monde avec des discours aussi vagues qu’inaptes à apporter des réponses, des discours de mégalomanes, certes bons orateurs, mais complètement vide de sens et surtout de précisions intentionnelles si ce n’est élever toujours plus leurs bulletins de salaire, cumuler les mandats (pour exemple Didier Marie sacré roi du cumul et des indemnités par le journal Médiapart, il a cumulé pendant des années 12000 euros mensuels et bien sûr l’impossibilité temporelle d’assumer ses soit disant fonctions) , se doter de retraites mirobolantes (23250 euros pour Sarkozy), enfumer le peuple au lieu de le guider, tout simplement.
Dans ce cas comment faire pour imposer cette nouvelle idéologie, cette nouvelle modernité ? Replacer les choses à leur juste valeur, apprendre à se situer, à tenir un discours critique cela veut dire éduquer, cultiver le peuple, l’homme moderne du futur étant l’homme éduqué capable de choisir et non d’être choisi comme un pion argumentaire d’une débauche technologique sans fin et surtout sans aucun autre sens que celui de la finance et de l’ultra capitalisme parfaitement aveugle et incohérent. C’est refaire Copernic !
Alors évidemment, la déprime française est bien l’avant garde d’une nouvelle modernité reste à savoir si l’univers politique à venir lui donnera la possibilité de voir le jour.
Le Che disait :
« En la tierra hace falta personas que trabajen mas y critiquen menos, que construyan mas y destruyan menos, que prometan menos y resuelvan mas, que esperen recibir menos y dar mas, que digan mejor ahora que manana ».
Sur la terre il manque des personnes qui travaillent plus et critiquent moins, qui construisent plus et détruisent moins, qui promettent moins et résolvent plus, qui espèrent recevoir moins et donner plus, qui parlent mieux maintenant que demain.
Ceci est pour moi le testament de l’avenir.

Marie Kern

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Marie Kern

Marie Kern - Blogueuse, auteur, accompagnement littéraire d'artistes (peintres ...), rédactrice web (article, contenu rédactionnel, ré-écriture de pages web).

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