L’invité suivi de La Proie
Adaptations de Jean Giono
« Mon père n’était pas un homme de théâtre. (…)
Nombre de ses romans ont été adaptés pour le théâtre avec plus ou moins de bonheur. Ce qui m’a séduite dans ces deux adaptations d’ « Un Roi sans Divertissements » et de « L’Iris de Suse », en plus d’une grande fidélité au texte, un respect de la pensée et du style, c’est ce sens aigu du théâtre que mon père disait ne pas avoir, mais du Karine Poirier (dite Marie Kern) possède. »
Sylvie Durbet-Giono.
« Giono est tellement connu comme romancier qu’on en oublie trop souvent qu’il a également écrit pour le théâtre et le cinéma. (…)
Karine Poirier (dite Marie Kern) a saisi d’instinct, tandis qu’elle se passionnait pour Giono (…) que ses romans étaient pratiquement des drames et qu’ils appelaient tout naturellement des dialogues et une mise en scène.
(…) elle est donc entrée dans l’esprit même du roman gionien qualifié par lui-même d’ « opéra-bouffe », d’autant plus tragique au fond qu’il feint de ne pas se prendre au sérieux, en évitant soigneusement et très librement deux pièges qui la menaçaient (…) le pastiche et la familiarité. (…) elle a su adopter un ton naturel et familier sans jamais tomber dans les facilités d’une familiarité de mauvais aloi. Ainsi « Un Roi sans Divertissements » (La Proie) reste une tragédie moderne, le drame quasiment métaphysique qu’a voulu Giono, mais présenté du point de vue des personnages humains (…) Ce n’est pas du théâtre d’idées, pas une pièce à thèse, et pourtant elle donne à penser, en montrant le tragique de la condition humaine dans sa simplicité (…) avec suffisamment d’humour pour éviter les pesanteurs du sérieux. Ce qui était la meilleure façon d’être fidèle à Giono.
Cette justesse de ton mi-grave, mi-plaisant, jamais guindé, se manifeste sans doute encore plus finement dans l’adaptation de l’Iris de Suse (L’invité ) roman dans lequel Giono raconte son esthétique et sa philosophie et au fond, son art d’être génial sans avoir l’air d’y toucher. (…) Karine Poirier (Marie Kern), grâce à son sens aigu des dialogues dramatiques, transforme ce qui était souvent, chez Giono, monologue intérieur, en conversations et en actions qui confrontent des caractères, plus encore que des personnages, bien vivants. Et qui vient leurs passions jusqu’au bout (…) Et ce qu’elle fait éclater, (…) c’est la passion de vivre qui anime tous ces êtres humains, proches de nous par leur langage naturel jusque dans leurs paroxysmes tragiques. Si bien que nous n’avons pas l’illusion que « c’est du théâtre », mais la conviction que « c’est de la vie ». Et cela, c’est du grand art. »