En cette fin d’année pas spécialement marrante j’ai eu envie d’écrire un texte simple, un texte facile d’accès, un texte que tout le monde pourra lire et apprécier.
J’ai commencé ma carrière littéraire en étudiant Giono. J’étais passionnée, il me fallait apprendre, connaître, tout savoir sur Jean Giono. Je me suis donc lancée dans un doctorat étudiant l’influence de la musique baroque sur l’imagination romanesque de Jean Giono, c’est à dire les images, la scénographie, l’ambiance baroque qu’il y a dans ses romans.
Et puis j’ai découvert l’homme Giono, le pacifiste, celui qui refusa la guerre et qui rêvait de convertir Hitler à la cohérence et à la paix. J’ai découvert un être pur, passionné, insensé aussi parfois.
Lisant et relisant Giono les feuilles se détachaient des livres. Je m’associais à ses personnages, j’étais Pauline du Hussard sur le toit, L’Absente de l’Iris de Suse, j’étais ces femmes fortes ou absentes, mystérieuses, élégantes toujours sobres. Ainsi j’ai connu Jean Giono, en possédant ses personnages jusqu’au bout des ongles, en les devenant, en les mimant jusqu’à entendre leurs moindres soupirs. J’étais la « comédienne » de l’oeuvre de Giono et je la suis restée, 17 ans plus tard, je suis restée la Pauline du Hussard bravant monts et montagnes pour soigner sans peur du choléra ni du qu’en dira-t-on.
Giono a donc était mon guide, mon père spirituel et mon metteur en scène, aussi. Celui qui forgea mes rêves, mes goûts pour Mozart, pour le théâtre ou tout simplement le Beau, le mépris de la médiocrité également. Giono est le créateur de ma vie, celui qui me fit choisir les sentiers ardus de la littérature, l’inventeur de mes rêves et de mes espoirs.
A la croisée des chemins je lui dédie ce texte. Parce que l’on parle si mal de Jean Giono, on l’associe à une sorte de gentil pâtre apôtre de la nature et de la bienfaisance. Et certainement qu’il était bienfaisant et qu’il aimait les collines de son pays manosquin. Mais Giono n’est pas une mince affaire, c’est un monstre littéraire. Giono c’est bien plus que Sarte et de Beauvoir réunis, Giono c’est LE génie de la littérature du XXème siècle. Giono écrit au scalpel. C’est l’écrivain le plus précis que l’Histoire de la Littérature nous ait permis de connaître. Et plus il avance dans son art, plus il le maîtrise et il ouvre des pans de perfection jamais égalés dans l’aventure de la littérature.
Et puis c’est aussi un écrivain plein d’humour. Qui connaît son Bestiaire? Un recueil de textes rempli d’ironie à travers un bestiaire fantastique où le minus côtoie the bear « féru de foutbol », la pouffiasse ou encore le verrat-maquereau, vilain poisson se nourrissant d’épaves et de déchets et qui se transforme en roi à partir de mille mètres de profondeur. Voilà Giono, c’est aussi cela, un écrivain plein d’intelligence et de vivacité, un oeil de lynx et une plume d’acier.
Seulement Jean Giono, il n’était pas de Paris alors on a éludé le problème. Car qui n’est pas de la capitale est un pegnaud selon les hautes autorités parisiennes. Tout juste une pagnolade… Pagnol qui, soit dit en passant, ne s’est pas gêné pour lui piquer pas mal de textes et y coller son nom et en avant marcel, il a produit des films sur le dos du bougre qui, trop honnête, n’a pas monté la garde et s’est fait déposséder de ses lettres et histoires.
Ce génie de la littérature, ce casanier voyageur qui partait tous les après-midi au pays de son imaginaire, une grande carte du monde tendue dans son bureau, ça lui suffisait à Jean Giono, il était heureux comme ça, dans son Paraïs tout au bout d’une petite allée accrochée à la montée du mont d’Or. Ce « beau sein rond (qui) est comme une colline » disait-il. Giono est un sensuel, il aime la beauté sous toutes ses formes: visuelles, musicales, tactiles, c’est un gourmand, il se régale de la daube, il aime humer ce plat riche et s’en délecter. Giono c’est un humain, un vrai, un grand humain, et un exceptionnel « regardeur » d’âmes.
En ces jours sombres, mais ont-ils jamais été éclairés? Giono allume le ciel de la littérature. Il est Orion fleur de Carotte, tout explosé en milles étoiles qui courent le long des bords de l’univers pour donner un sens à nos vies: la Beauté.
Marie Kern, le 13 décembre 2016
En évoquant Jean Giono avec ton style si réel, tu m’a ému au plus profond de l’âme. Un très beau cadeau à l’humanité. Merci encore et toujours plus pour ta personne et ton art.
En évoquant Jean Giono , avec ton style si vivant, tu m’as ému au plus profond. Merci encore Marie pour ce cadeau à l’Humanité et aussi pour Giono qui retrouve une vie éternelle à travers ton style.