Partager la publication "Pesticides dans l’UE: arrêtez de nuire au consommateur! par Claude REISS"
Premier impératif des producteurs agricoles et de l’industrie agro-alimentaire :
NE PAS NUIRE au CONSOMMATEUR !
Évaluer scientifiquement, dans l’UE, les dangers des candidats pesticides,
éliminer sans exception ceux qui sont toxiques pour l’homme.
Par Claude Reiss.
On assiste dans les médias depuis le début de l’année à une floraison d’articles ou d’émissions, TV notamment, dénonçant la dangerosité des pesticides. On trouvera, dans une annexe ci-contre, le résumé par Mme Marie Kern (que nous remercions) d’un documentaire du cycle « CASH INVESTIGATION » présenté avec courage et brio par la journaliste Elise Lucet et diffusé début février. Le documentaire met en lumière l’impact de pesticides, notamment d’herbicides, sur les femmes enceintes et la petite enfance. Les corrélations entre les espaces agricoles traités par certains pesticides et les problèmes graves de santé observés dans et autour de ces espaces ne fait guère de doute, mais corrélation n’est pas preuve : le nombre de naissances diminue, les nombres de cigognes aussi, mais l’un n’a rien à voir avec l’autre (sauf dans la tradition enfantine). Il faut donc des données moins susceptibles de critiques.
Nous faisons partie de l’UE, les biens, les aliments en particulier, y circulent librement. Le problème des pesticides doit donc trouver sa solution au niveau de l’UE. La Commission Européenne a en effet ce problème sur la table depuis 25 ans. Elle avait en effet entrepris en 1991 (directive 91/414) d’évaluer les 823 pesticides alors en usage dans l’UE, et se donnait 12 ans pour en évaluer la toxicité pour l’homme. En 2003, le rapport final (établi par le MPE Paul Lannoy avec qui nous en avions parlé à l’époque) est effectivement publié, faisant état de l’évaluation de…32 pesticides (un peu plus que 3% du total), testés sur des rongeurs ! C’est bien sympathique pour le rat des champs qui y est exposé, mais ce qui intéresse le consommateur, ce sont les effets sur sa santé à lui, qui n’a rien à voir avec celle des rongeurs. Face à ce constat, la CE se donnait 10 ans supplémentaires pour achever le travail, mais 15 ans plus tard, en 2016, on n’en trouve toujours pas trace.
Or voilà que nous apprenons que la médiatrice européenne, l’irlandaise Emily O’Reilly, a sermonné la CE pour sa « mauvaise administration », consistant à mettre en place en 2009 une procédure qui lui permettait, « à titre exceptionnel », d’homologuer une substance phytosanitaire active, alors que l’industriel qui la produit n’a pas encore soumis les informations sur son innocuité. On ne saurait être plus complaisant pour ces industriels, et comme il fallait s’y attendre, l’exception est devenue la règle. La médiatrice, qui avait été saisie en 2012 par des associations (dont Générations Futures, que nous saluons et remercions pour son initiative), juge qu’il est « difficile de comprendre » pourquoi la CE « a été trop légère… en ne tenant pas suffisamment compte du principe de précaution », et a autorisé la vente de substances actives sans s’assurer qu’elle ne met pas en danger la santé publique ou l’environnement. Il parait que la CE « a largement accepté » cette verte remontrance, mais va encore nous ressortir, dans le délai de 2 ans accordé par la médiatrice, des données de tests de pesticides sur des rongeurs, dont nous garantissons d’avance qu’elles iront dans le sens des souhaits de l’industrie phytosanitaire, simplement en choisissant pour les tests la « bonne » lignée de rongeurs, comme les lecteurs de la Notice le savent depuis longtemps. Nous cobayes, c’est maintenant (et depuis longtemps, et pour longtemps encore, si nous n’y mettons pas le holà !).
Même situation pour les perturbateurs endocriniens (PE, qui miment les effets d’hormones). On estime que 80% des pesticides sont des PE. Dès la fin du siècle dernier, la CE dit se saisir du problème. Après divers va et vient durant la première décade du présent siècle, elle promet de « définir un critère des PE basé sur la science » pour 2012. En 2016, elle le promet toujours. Cette situation est évidemment mise à profit par l’industrie chimique et phytosanitaire : on ne peut pas évaluer une activité qui n’est pas définie. Le ridicule de cette situation est tel qu’elle ne peut pas durer indéfiniment, donc on trouvera bien une définition, dans une encyclopédie en ligne comme Wikipedia par exemple. Alors, comme dit ci-dessus pour les pesticides, on se lancera dans les tests sur rongeurs, et les vrais cobayes seront encore nous.
Le documentaire de CASH INVESTIGATION est du beau travail, mais il fait la part trop belle aux industriels, en leur laissant pérorer un discours bien rodé depuis une décennie, pour semer le doute sur la validité des arguments qui leurs sont opposés.
Il y a d’abord ceux qui affirment des contre-vérités. Tel directeur d’un lobby européen de l’industrie agro-sanitaire à Bruxelles déclare « impossible » d’atteindre l’objectif du ministre qui veut réduire de moitié l’usage des pesticides en 10 ans. Les pesticides ont été introduits en Europe suite à la seconde guerre mondiale, je me souviens qu’avant, dans la campagne ou j’habitais, les récoltes de blé, maïs, pommes de terre, salades, betteraves… étaient superbes et abondantes, les potagers généreux, on devait certes ramasser doryphores et limaces, mais on mangeait sain. C’était parfaitement « possible » sans les pesticides Monsieur le Directeur, pourquoi ce ne le serait plus ?
Et puis il y a ceux qui dénigrent, faute de pouvoir répondre sur le fond. Exemples :
- Vous affirmez que tel pesticide est neurotoxique, cancérigène, reprotoxique, mime l’effet d’hormones etc ? Prouvez-le, aux doses que nous prescrivons, nous n’avons rien vu. (Les doses maximales autorisées ont été établies sur des modèles rongeurs et datent de plus d’un demi-siècle, en plus pour les PE elles ne sont d’aucune valeur).
- Vous nous dites que tel produit a été testé comme toxique sur la souris ? Nos études sur la souris n’ont rien montré de tel. (En choisissant judicieusement la lignée de souris ou de rat, on peut obtenir une réponse, ou son exact contraire).
- Vous dites que des données épidémiologiques montrent que telle personne exposée au pesticide X a développé une maladie Y ? Prouvez-le, la personne a aussi été exposée dans son environnement à grand nombre d’autres substances, éventuellement causes de sa maladie. (Les données épidémiologiques ne peuvent s’obtenir que post-exposition, on ne peut jamais en tirer des conclusions robustes, et les industriels n’ont probablement jamais entendu parler des effets cocktail).
- Vous voulez interdire nos produits ? Nous devrons licencier et les autorités nous soutiendront pour conserver nos emplois, ce sont donc nos alliés (chantage à l’emploi). Et ainsi de suite…
Les industriels concernés engrangent des € milliards par centaines, dont 1 ou 2% sont distraits pour faire tourner les lobbys, inviter des hommes politiques, arroser des scientifiques (voir scandale du tabac), façonner des « experts » venant d’institutions aux titres ronflants mais creux. Ce n’est pas en invitant un agriculteur malade à cause de pesticides que l’on peut entendre les millions de citoyens européens affligés en une décennie de très larges excès de maladies inguérissables et frappés des mortalités associées. Mais allez donc prouver lesquelles des 200 000 substances chimiques de synthèse dans lesquelles nous baignons en sont responsables ?
Eh bien oui, on peut le prouver, notamment par une méthode, la toxicogénomique, que nous avons été les premiers à adapter et mettre en oeuvre en Europe. La méthode, que les lecteurs de la Notice connaissent, explore dans des cellules humaines en culture les dérégulations, par la substance à tester, des expressions de gènes marqueurs de pathologies graves. Ces résultats sont évidemment valables pour l’homme, en plus d’être disponibles rapidement (2 à 3 jours) et relativement économiques. Nous avons testé par cette méthode une trentaine de substances, en particulier le chlorpyrifos (dont il est question dans l’émission présentée par Mme Lucet), sur des cellules humaines de foie et neuronales : il est indiscutablement cancérigène, neurotoxique, reprotoxique, proliférateur endocrinien etc. Comme nos gènes ne savent pas mentir, il sera difficile de contredire les résultats de ces tests, ce qui évidemment n’arrange pas les affaires des industriels.
Nous avions signalé cette méthode à la Commission Européenne en 2006, mais, sans doute à la demande des industriels, elle n’en a pas voulu (« méthode non validée », bien que figurant explicitement dans la directive REACH). 10 ans plus tard elle n’est toujours pas validée, alors que la Commission a, depuis 1992, un laboratoire pléthorique dédié à cette fin, ECVAM, qui lui coute des dizaines de millions d’€ par an. La toxicogénomique est employée à grande échelle aux USA (tests robotisés de 100 substances simultanément).
Au cas où CASH INVESTIGATION s’intéresserait à des produits tels que pesticides, proliférateurs endocriniens, additifs alimentaires, médicaments, cosmétiques, produits ménagers, jouets, accessoires sportifs, matériaux d’intérieurs (peintures, vernis, literies, coussins, tapis, …) et substances associées (retardateurs de flamme, Bisphénol A…), nous mettrions à disposition notre expertise pour examiner les risques de toxicité de ces produits pour l’homme. En mettant ces résultats sous le nez des industriels, les empoisonneurs se défileront rapidement
Encadré
Pour ceux qui auraient manqué l’émission d’Elise Lucet du 2/2/2016,
Cash Investigation.
Marie Kern nous en fait un résumé.
L’émission présente, non sans humour, les dangers des pesticides utilisés dans l’agriculture[1]. En Europe, la France est en tête de la consommation des pesticides avec près de 65000 tonnes de produit épandues chaque année dans nos campagnes.
Pour les multinationales qui fabriquent ces produits cela correspond à des milliards d’euros gagnés sur le dos d’une population otage de la finance.
Les enfants sont les plus touchés, qu’il s’agisse d’imprégnation volatile dans le cas d’enfants exposés directement aux pesticides (écoles, habitats se trouvant près de champs agricoles), ou bien d’ingestion d’eau polluée à cause de nappes phréatiques gorgées de pesticides ou encore d’aliments remplis de pesticides.
En analysant les cheveux des enfants, on trouve la présence de nombreux pesticides. Et des pesticides classés CMR c’est à dire Cancérigène, Mutagène, Reprotoxique. Chaque jour les enfants peuvent être exposés à 130 polluants classés toxiques.
Ceci explique l’augmentation grandissante des cancers infantiles, tout particulièrement des tumeurs cérébrales et du sang. Depuis 1980 on note 2500 cas supplémentaires de cancers infantiles chaque année, ce qui correspond à la deuxième cause de mortalité chez l’enfant.
A cela se rajoute le fléau de l’autisme. Aux Etats-Unis un enfant sur 68 nait atteint d’autisme sévère. En France, il est impossible d’obtenir les chiffres seulement les statistiques montrent une augmentation de 120% des enfants scolarisés pour autisme.
On soupçonne que cela pourrait être dû à un pesticide en particulier, le Chlorpyrifos, un neuro-toxique puissant provenant des Etats-Unis et distribué par Dow Chemical. Les femmes enceintes et les enfants y seraient particulièrement sensibles.
Ainsi le Chlorpyrifos ethyl de Dow Chemical, l’Atrazine de Syngenta, le Round up de Monsanto ou encore le Folpel de Bayer[2], pourraient tous êtres des produits d’une très haute dangerosité.
Les scientifiques du monde entier s’accordent pour dénoncer la dangerosité des produits mais les multinationales nient et vont jusqu’à remettre en cause les résultats des analyses scientifiques.
La finance pèse bien plus que la santé humaine et les multinationales n’ont aucun intérêt à vendre moins de pesticides même s’il est reconnu que l’on pourrait diminuer de 50% l’utilisation des pesticides sans porter atteinte à la production maraîchère.
On assiste ainsi à la légalisation d’une sorte de « grand banditisme international » qui va jusqu’à corrompre la justice et la démocratie.
C’est le cas d’Hawaï. Les grandes multinationales y ont installé leurs laboratoires à ciel ouvert. Les populations autochtones sont les plus touchées. Les enfants naissent mal formés, certains avec les intestins hors la cavité abdominale. Une loi a été proposée par la population, notamment pour créer des zones tampon entre champs et écoles et hôpitaux. La loi a été votée. Mais les multinationales ont attaqué en justice et elles ont gagné ! La justice a fait plier la démocratie.
L’émission se terminait alors par une note d’espoir à savoir que 6 produits toxiques vont être retirés de la vente en France et que les agriculteurs envisagent la pratique de pose de filets protecteurs. Mais les dernières phrases n’étaient pas anodines : au royaume des pesticides, les gagnants et les perdants sont toujours les mêmes. C’est ainsi que peut se résumer cette émission au demeurant parfaitement réalisée
[1] Pour ce faire les journalistes de l’émission ont eu accès à des données ultra secrètes.
2] On notera que Bayer soigne et, dans le même temps, produit des molécules qui contribuent aux maladies qu’il soigne.